Le secteur de la distribution alimentaire est toujours en activité en Belgique mais cela ne veut pas dire quil ny a pas de difficultés. Dans les magasins, labsentéisme du personnel (pour de bonnes ou de mauvaises raisons) pose problème : comment gérer un magasin si 30 à 50 % du personnel est absent ? Sans doute en recrutant des travailleurs intérimaires et des étudiants. Mais ce nest pas simple. Et le personnel présent revendique parfois une compensation pour les risques assumés et laccroissement du travail. La grève du personnel dans certains magasins du distributeur Delhaize en est une preuve (grève arrêtée ce 2 avril 2020).

Mais les réseaux de franchise qui ne sont pas actifs dans la distribution alimentaire sont touchés de plein fouet par les dispositions prises par le gouvernement fédéral qui a ordonné la fermeture des commerces non alimentaires. Dabord durant le week-end. Ensuite tous les jours. Les rues commerçantes sont vides. Les centres commerciaux sont fermés.

Des aides durgence sont occupées à être distribuées pour les commerçants ayant dû fermer leurs points de vente. Ces aides sont cependant conditionnelles et bien entendu temporaires. De plus, le chômage temporaire pour force majeure est organisé pour les travailleurs moyennant laccomplissement de formalités simplifiées depuis le 13 mars dernier.

Mais quen est-il pour les baux commerciaux : faut-il encore payer le loyer dune surface commerciale fermée par ordre du gouvernement ? Peut-on envisager la résiliation du bail ?

Aucune disposition légale temporaire na été prise suite à cette crise. Il faut donc se référer aux règles générales de droit relatives aux obligations contractuelles et aux dispositions du Code civil relatives au bail.

Premier réflexe : lire le bail et le contrat de franchise. Que prévoit-on au sujet du loyer et y a t-il des dispositions relatives à limpossibilité pour le locataire doccuper le bien loué ou pour le bailleur de mettre le bien loué à la disposition du locataire ? Souvent le bail et le contrat de franchise sont liés : il faut en tenir compte. Mais attention, en Région Wallonne, un décret du 17 juillet 2018 prévoit que les clauses liant le bail au contrat de franchise sont considérées comme non écrites. Ce décret nest pas applicable dans la Région Bruxelloise et dans la Région Flamande. Attention aussi : le contrat de location gérance ou de mise à disposition dun fonds de commerce nest pas soumis aux mêmes formalités quen France mais pourrait être considéré comme un bail commercial soumis à la loi les baux commerciaux et au décret wallon cité ci-dessus. Inutile de dire que cette analyse doit être faite par un juriste spécialisé.

Quelles sont les clauses figurant dans les contrats ? Le loyer est parfois fixé en pourcentage du chiffre daffaires avec un minimum. La liaison du bail avec le contrat de franchise est souvent prévue. Donc, si on ne paye pas le loyer ou si on arrête lactivité, la question de la faute du franchisé se posera non seulement en sa qualité de franchisé mais aussi en sa qualité de locataire.

Pour illustrer notre propos, nous donnons un exemple tiré dun contrat en cours : « Le loyer de base est fixé à la somme de 2% du chiffre daffaires TVAC avec minimum de 106.594 €. Le preneur reconnaît expressément que le point de vente fait et fera toujours partie indissociable de la chaîne de magasin XXX même au cas où le preneur devait un jour mettre fin à son activité ... Cette seule condition est jugée fondamentale par les parties ». ll y a donc un loyer minimum valable juridiquement mais rien nest prévu en cas de force majeure. Par ailleurs, la condition fondamentale qui lie le bail à lenseigne franchisée sera mise à mal par le décret wallon du 17 juillet 2018 si ce décret, postérieur à la signature du bail, est applicable au contrat (il y a une discussion à ce sujet mais notre opinion fondée sur lexamen de la doctrine et de la jurisprudence est quune disposition impérative est dapplication immédiate même pour les contrats de bail signés auparavant).

Une fois cette vérification faite, sil ny pas de solution claire, il faut envisager de recourir aux principes généraux du droit relatifs à la force majeure et à labus de droit.

Commençons par la force majeure. Quelle est la définition légale de la force majeure ? Le Code civil ne la définit pas. Les auteurs se sont donc penchés sur la question et, compte tenu de la jurisprudence, on peut dire que la force majeure résulte dun événement survenu postérieurement à la conclusion du bail, qui rend impossible – et non simplement plus onéreuse – lexécution de lobligation du locataire, indépendamment de toute faute de ce dernier, étant entendu que lon attend de lui une conduite raisonnablement diligente dans la genèse, la survenance et la gestion des conséquences de cet événement. Lévénement doit constituer un obstacle insurmontable empêchant les parties de réaliser leurs obligations. Il doit donc rendre lexécution des obligations contractuelles impossible et pas seulement plus onéreuse .

Le « lock down » répond-il à cette définition ? Peut-être mais on peut en discuter. Dabord, il est certain que ce « fait du prince » sera temporaire et quil ne pourrait justifier la rupture du bail par le locataire sauf cas particulier. Mais pourrait-il justifier le non-paiement du loyer non lié au chiffre daffaires ? Labsence de chiffre daffaires empêche-t-elle le locataire de payer de payer son loyer alors quil continue à occuper le bien loué sans pouvoir cependant lexploiter ? Est-ce au bailleur dassumer le risque des activités commerciales de son locataire ? Alors que linterdiction légale douvrir le commerce simpose à tous, y compris au bailleur. Ne pas respecter cette interdiction serait une faute de la part du preneur, sanctionnée pénalement. On est peut-être dans les conditions de la force majeure.

Et si on devait écarter la force majeure, pourrait-on invoquer labus de droit ? Le bailleur abuserait de son droit dexiger le loyer alors que le la loi interdit au locataire dexploiter le commerce et donc de faire usage du bien. De plus, cest en contrepartie dune jouissance des lieux loués que le locataire a lobligation de payer le loyer. Si le bailleur est mis dans limpossibilité de faire jouir le locataire de la chose louée, lobligation corrélative du locataire de payer le loyer devrait disparaître. Se fondant sur le principe de lexécution de bonne foi des conventions prévu par larticle 1134 du Code civil, la doctrine est davis quun juge peut censurer lexercice abusif dun contrat lorsque le créancier y a recouru dans des conditions contraires à la bonne foi. Lorsque lexercice abusif dun droit – donc contraire à la bonne foi - concerne lapplication dune clause contractuelle (en lespèce le paiement du loyer), la réparation peut consister à priver le bailleur du droit de se prévaloir de cette clause.

On peut aussi songer à limpossibilité juridique. Limpossibilité juridique, qui a été invoquée dans les hypothèses de « fait du prince », désigne “tout empêchement résultant dun ordre ou dune prohibition émanant de lautorité publique” . En matière de bail, par exemple, on vise le cas du bailleur qui ne peut assurer la jouissance paisible du bien loué parce quune décision de lautorité administrative interdit dhabiter limmeuble. Un arrêt de la Cour de cassation du 13 mai 1996 en constitue une illustration (bien que ne concernant pas un bail) . La conséquence de cette impossibilité dassurer la jouissance du bien réside dans le droit de ne pas exécuter lobligation corrélative de payer le loyer.

Enfin, que penser de la théorie de limprévision, appelée aussi clause de hardship? L'imprévision se définit comme le déséquilibre des prestations réciproques qui vient à se produire, dans les contrats à prestations successives ou différées, par l'effet d'événements ultérieurs à la formation du contrat, indépendants de la volonté des parties, et se révélant tellement anormaux, qu'il n'était guère possible de raisonnablement les prévoir. Cette théorie nest pas admise en droit belge. Dans un arrêt du 14 avril 19946, la Cour de cassation a, en effet, considéré quon ne peut demander la modification du contrat en cas de circonstances nouvelles et non prévues par les parties qui rendent plus difficile l'exécution du contrat. Cette théorie pourra être sans doute être invoquée plus tard lorsque le livre V du projet de nouveau Code civil aura force de loi.

Conclusion

Il ny a pas de solution certaine. Aucune des parties, locataire ou bailleur, ne peut se prévaloir dune solution claire et précise. Cela veut donc dire que, plus que jamais, devant le risque de décisions de justice imprévisibles et lentes à obtenir, la négociation est à conseiller. Et dans certains cas, la médiation, car elle permet aux parties de se rencontrer et de peser le pour et le contre dune décision qui pourrait être critiquable.

Lien: https://franchisebusinessclub.com/article/bail-commercial-et-covid-19-pour-la-franchise-en-belgique--3ed48c4f-6fd8-45e3-904c-421b3b987604
Nouvelles
logo vdl.png
Réduction possible de la charge fiscale dans une entreprise individuelle En savoir plus
GEOCONSULTING Logo2020 RVB Title Baseline Color Positif
La mixité fonctionnelle : opportunité ou obstacle pour les développeurs ? En savoir plus
Heytens : une franchise axée le sur-mesure et la satisfaction client En savoir plus
Guillaume Varobieff, directeur général de l'enseigne Répar'stores En savoir plus
Artion : Expert de la semaine En savoir plus
La multi franchise a le vent en poupe pour Subway en Belgique En savoir plus

5 bonnes raisons de devenir membre

Devenir membre

Gamme la plus large

Correspondance personnelle

Contact direct

Conseils gratuits

Franchise Academy

A vous de choisir Comme d’autres sites Web, nous aimons également les cookies. Les cookies que nous utilisons sont principalement utilisés pour améliorer votre expérience sur notre site Internet. Nous utilisons également des cookies car nous aimons mesurer la façon dont notre site Web est visité. Nous ne plaçons ces cookies que si vous avez donné votre autorisation préalable.