De la friterie “sans avenir” de Marcinelle à un million de paquets vendus en un an

Sans (trop) exagérer, on peut parler d’un petit empire de la frite belge. Ou plutôt wallonne pour le moment, puisque les 19 friteries de Fritapapa sont toutes installées dans le sud du pays. “On prépare des ouvertures à Bruxelles, à Liège et Mons où nous n’étions pas encore, et dans le nord de la France”, souffle Julien Abras.

L’enseigne carolo change aussi de braquet en passant à la franchise pour ces futurs lancements. “On a atteint une taille critique et on préfère se concentrer sur le conceptuel, mais on n’exclut pas d’ouvrir encore quelques friteries en propre.”

“C’est le burger qui accompagne”

Car les chiffres ont de quoi donner le tournis. L’année dernière, Fritapapa a réalisé un chiffre d’affaires de 15 millions d’euros en vendant plus de 900 000 pots de sauce, 772 000 burgers, 225 000 mitraillettes et 1 million de paquets de frites. Fritapapa s’est fait une place de choix parmi les 4 500 friteries que compte notre pays. “Partout dans le monde, on vend des frites en accompagnement, mais en Belgique, c’est le plat principal. Chez nous, c’est le burger qui accompagne.” Sans compter la diversité incomparable des sauces, qui varie d’une région à l’autre de notre pays. “La sauce tomate grecque est, par exemple, très populaire à Charleroi, alors qu’elle est quasiment inconnue dans le reste du pays.”

C’est justement cette envie de déguster la frite “parfaite” qui a poussé Julien Abras et Pierre Artuso, diplômé de Solvay, à lancer leur propre business. “Nous sommes tous les deux originaires de Charleroi. Comme la plupart des Belges, on allait manger des frites une fois par semaine. Mais on devait faire des kilomètres, en allant dans le Brabant wallon, voire jusqu’à Bruxelles, pour trouver celles qui nous plaisaient.”

Plutôt que de se déplacer constamment, les deux compères décident, en 2016, de lancer leur propre friterie, à l’entrée de Marcinelle. “Mais là où cela devait être un investissement de plaisir, c’est devenu notre dernier recours, car nos affaires ne fonctionnaient pas.” Pierre est alors courtier en crédits, là où Julien Abras est commercial dans l’entreprise familiale de fumage de saumons. “Aucune banque ne voulait nous suivre. On a ouvert sans savoir faire une frite.” Le duo est quasiment sans ressource. Mais les Carolos retapent un petit local que Pierre louait et, en réunissant toutes leurs économies, parviennent à acheter une friteuse à 70 000 euros. “On avait la plus belle friterie, mais on était certainement les moins bons.”

L’aventure n’est pas amenée à être une grande réussite. Mais le destin des Carolos bascule. Julien tombe “par hasard” sur un appel d’offres de l’aéroport de Charleroi qui cherche à développer un petit point de restauration à la sortie de ses parkings. Les deux amis tentent leur chance “à l’aveugle”. Contre toute attente, ils remportent le marché. “Peut-être qu’on a été trop généreux dans nos prix, rigole Julien. Cela a tout changé. L’aéroport nous a donné une visibilité incroyable.” Fritapapa est définitivement lancée, avec une moyenne de deux ouvertures de friteries par an.

Un succès qui dérange dans le monde de la frite

Circuit court. Le succès de Fritapapa dérange parfois dans le monde de la frite. “On n’est pas toujours bien vus des autres friteries, constate Julien Abras. C’est un milieu qui n’a pas beaucoup évolué et on a voulu le professionnaliser, le digitaliser. On a ainsi notre propre application via laquelle 30 % de nos ventes sont réalisées.” Une révolution dans un secteur encore très traditionnel. “Certains ont trois ou quatre friteries, mais cela reste majoritairement des petites affaires familiales.” Fritapapa est aussi exclu des principaux concours de “meilleure frite”, car c’est une enseigne. On sent que Julien Abras en a gros sur la patate.

“Certains nous associent à de la nourriture industrielle. Mais c’est tout le contraire ! On travaille en circuit court, avec de produits 100 % belges, nous produisons notre propre graisse de cuisson. Notre viande vient d’un éleveur de Mettet. L’avantage de notre grande taille est de pouvoir négocier des bons prix avec nos fournisseurs. Ce qui nous apporte une meilleure qualité : on peut, par exemple, avoir des pommes de terre “bintjes” toute l’année contrairement à la plupart de nos concurrents.”

Une académie Fritapapa à Wavre

Ni la crise du Covid, ni celle de l’énergie n’arrêteront nos deux lurons. “Même une invasion de zombies ne nous effraie plus, je suis sûr qu’ils adorent les frites d’ailleurs !”, sourit le futur papa d’un deuxième enfant.  Autodidacte, ce passionné de sport automobile se considère comme un “Belge moyen”. “On est des beaufs, mais des beaufs sympas”, lance-t-il.

Aujourd’hui encore, le Fritapapa de l’aéroport de Charleroi reste la locomotive de l’enseigne, avec désormais quatre échoppes, développées avec un partenaire sur plus de 1 000 m². Dans ses autres friteries, l’enseigne wallonne pratique des prix “comparables à la concurrence”. Fritapapa commercialise également sa propre sauce dans les grandes surfaces et sept types de bières vendues sous son nom dans ses succursales. Le jeune patron en est conscient : Fritapapa reste un fast-food. “D’un point de vue nutritionnel, cela n’est pas conseillé de venir tous les jours chez nous, cela doit rester une démarche “plaisir”.”

Tous types de contrats confondus, Fritapapa occupe désormais 350 personnes. L’enseigne lance un appel à candidature pour ses futures franchises. “On livre tout clé sur porte : matériel et formation dans notre académie Fritapapa à Wavre,… On préfère avoir des gens motivés qui partent de zéro, plutôt que des gérants actuels de friterie”. Et qui ont donc la patate, comme Julien.

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