Carrefour célèbre ses 25 ans de présence en Belgique. Difficile de l’ignorer : l’enseigne a fait de cet anniversaire le prétexte d’une vaste opération commerciale courant sur 5 semaines, abondamment relayée en folders et en points de ventes. Une opération fidèle à l’ADN promotionnel de l’enseigne, qui aime s’appuyer sur des thématiques événementielles et des théâtralisations spectaculaires. Les résultats de cette campagne sont très positifs, relève Geoffroy Gersdorff, qui signale aussi que tous les collaborateurs de Carrefour Belgium partageront cette semaine en magasin un gâteau d’anniversaire.

Mais c’est aussi avec la presse que le CEO de Carrefour Belgium entendait souffler les bougies et faire le point sur l’entreprise qu’il dirige depuis trois ans, et qu’il a eu le grand mérite de ramener sur la voie de la rentabilité, comme le Groupe lui en avait donné la mission impérative. Premier patron belge depuis l’acquisition de GB par Carrefour en 2000, Geoffroy Gersdorff est un pur produit de la maison, puisqu’il y est arrivé en 1997. Il est donc particulièrement bien placé pour juger de l’évolution d’une entreprise qu’il décrit comme “fondamentalement belge”. Certes, elle s’appuye sur les ressources d'un groupe international puissant, qui lui permet de profiter de nombreux développements, entre autres sur le volet numérique. Et qui, il faut bien le dire, est venu reprendre en 2000 un GB à bout de souffle. A cette époque, l’entreprise était encore leader du marché belge, alors qu’elle n’occupe plus que la troisième marche du podium, avec une part de marché de 14 %.

Que reste-t-il de la période GB dans Carrefour Belgium ? “D’abord, les meilleures localisations de Belgique,” répond Geoffroy Gersdorff, qui évoque aussi une forte empreinte culturelle : la dernière enseigne GB a été décrochée en 2009, mais dans le public, nombreux sont ceux qui continuent à dire qu’ils vont ‘faire leurs courses chez GB’, même parmi les jeunes générations qui n’ont pas connu la boule rouge. Mais l’entreprise ne vit pas dans la nostalgie, et elle profite de la force de frappe du groupe, en particulier dans son assortiment MDD : “Les produits Carrefour aujourd'hui, c'est plus de 6.000 produits, c'est un produit sur deux vendus chez nous. C'est la marque la plus importante que nous avons dans notre magasin. Chaque seconde, nous vendons 100 produits Carrefour. L’assortiment a énormément évolué, passant de copies “me too” des marques nationales à une marque à part entière, très diversifiée et innovante. Notre marque n'a jamais été aussi saine et durable : nous avons supprimé 120 substances controversées, avant que la loi nous le demande. On a réduit le taux de sucre, le taux de sel, retravaillé les emballages , la mise en avant du Nutri-Score. Et tout cela à un prix inférieur de 30 % à celui des marques nationales.”

L’ancrage belge

L’agenda du groupe Carrefour se traduit aussi en des choix délibérés pour la filiale belge : “Le lancement de la plateforme Act for food en 2018 a été un jalon majeur de l’histoire de Carrefour en Belgique. On agit avec beaucoup d'humilité, on commence par faire avant de le dire, et on travaille dans la durée. Prenons l’exemple des circuits courts. Nous sommes très clairement le leader dans ce soutien aux producteurs locaux, établis à moins de 40 km de nos magasins, et qui entretiennent une relation directe avec ceux-ci, avec qui ils définissent à la fois le prix d'achat et le prix de vente. Aujourd’hui, c'est plus de 1.000 producteurs en circuit court qui travaillent avec nous depuis plus de 20 ans, et c’est une spécificité de Carrefour. On voit le succès grandissant de ces produits qui renforcent l'ancrage local de nos magasins mais accompagnent aussi le développement des producteurs belges. Nous avons aussi rendu accessible les produits bio entre autres avec la marque Carrefour bio, qui compte aujourd’hui plus de 750 produits et est la marque bio la moins chère de Belgique. Enfin, notre engagement comprend aussi la réduction de l'impact de notre propre activité. On a réduit de 23 % notre consommation d'énergie depuis 2019, on réduit considérablement aussi l'utilisation du plastique. On travaille énormément sur le chantier du gaspillage alimentaire. Nous travaillons avec Too Good To Go, où nous sommes arrivés au chiffre de 3 millions de paniers valorisés, une première en Belgique. Notre objectif à terme est de ne plus avoir à jeter un seul produit.”

“Carrefour Belgique c'est quoi aujourd'hui, résumé en trois chiffres ? C'est plus de 700 magasins. C'est 16.000 personnes qui travaillent sous l’enseigne Carrefour, que ce soit en magasin intégré ou en magasin franchisé. C’est plus de 120 nationalités qui travaillent au quotidien et sont formés via des parcours propres à Carrefour. Nous avons à présent également développé un programme de formation pour les enfants de nos partenaires franchisés, pour faire en sorte qu’ils puissent être bien armés pour assurer la relève.”

Leader de la proximité

Geoffroy Gersdorff voit dans le positionnement unique en Belgique de Carrefour une force : “Nous sommes le seul commerçant présent à travers quatre formats sous une seule et même enseigne. Nous avons des Hypermarchés Carrefour, des supermarchés Carrefour Market, des magasins de proximité Carrefour Express, et nous avons quatre solutions en e-commerce pour répondre aux attentes d’immédiateté du consommateur.”

Comment le patron de Carrefour Belgique perçoit-il l’apparition d’une concurrence plus soutenue sur la proximité, avec les projets de Okay City, les développements urbains des discounters, la reprise des magasins Match, Smatch, Delitraiteur, louis delhaize, ou encore l’arrivée de Couche-Tard dans le segment petrol stations ?  “La proximité a connu un développement énorme depuis 2000. Nous avons depuis lors ouvert plus de 300 magasins Carrefour Express, et plus de 120 supermarchés Carrefour Market. Notre leadership sur ce terrain est indiscutable et ne doit rien au hasard.  Nous avons 27 ans d'expérience dans la proximité en Belgique, et nous restons très vigilants à maintenir la performance de notre offre et de notre modèle. Comment ? En travaillant la raison d'être de chaque magasin individuellement, en fonction des besoins spécifiques de sa zone de chalandise. Nous ne pratiquons pas le “one size fits them all” qu'on voit parfois chez la concurrence. Vous n'avez plus un seul magasin Carrefour qui est une copie de son voisin. Chaque magasin s'adapte à aux besoins du client local. À Bruxelles, vous trouverez plus de 100 magasins Express. Ils sont tous différents, parce que l’un est voisin d'une école, l’autre d'une station de métro, le troisième d'une grande tour d'habitation. Selon les cas, on aura une clientèle qui effectue des achats complets ou une clientèle de passage.”

Les hypers gardent des atouts

Quid des challenges qui s’imposent au format hypermarché, où Carrefour est désormais la seule enseigne encore active en Belgique, avec la fermeture prochaine de Cora ? “Notre modèle d'hypermarché est très différent de celui que pratiquaient Makro ou Cora. Nos magasins font en moyenne 6.500 mètres carrés, quand ils couvraient plus de 10.000 m². Nous avons complètement retravaillé le parcours client et le confort. Le dernier baromètre YouGov montre que la satisfaction client est en très forte hausse. Ce sont vraiment des temples de l'alimentation avec des food corners, tout ce qui touche à la découverte et l'expérience. Un assortiment significativement le plus large que la concurrence et une offre non-alimentaire qui a été totalement retravaillée. Elle est bien davantage axée sur le saisonnier et le consommable. Vous ne trouverez pas chez nous un assortiment de gros électroménager permanent avec 60 frigos, pas plus qu'une offre large de vélos. Ces articles sont proposés à d’excellentes conditions, sur des offres promotionnelles saisonnières spécifiques. Le format nous permet d’accueillir aussi des partenaires, comme Dreame qui vient d’arriver à Drogenbos avec un shop in the shop.”

“Les hypermarchés sont aussi des points de retrait pour le e-commerce extrêmement forts, parce que vous y avez un assortiment beaucoup plus large, qui permet de répondre également à une demande d’une clientèle B2B, de PME. Dans le format raisonnable qui est le nôtre, la surface est davantage une chance qu’une contrainte. Et si vous êtes attentif, vous remarquerez que tout le monde dans le marché est en train d'essayer d'agrandir sa surface de vente plutôt que de la réduire. ”

Ouvertures du dimanche : objectif janvier 2026

Restent bien entendu deux sujets d’actualité dont on sait qu’ils concernent Carrefour : le premier est celui des ouvertures du dimanche. Geoffroy Gersdorff n’évite pas le sujet : “Les ouvertures du dimanche répondent aujourd'hui très clairement à une demande du consommateur. Carrefour a toujours été leader sur le dimanche, nous comptons aujourd'hui plus de 540 magasins ouverts le dimanche grâce à nos partenaires franchisés, et  un euro sur trois dépensés le dimanche aboutit chez Carrefour. Nous souhaitons également ouvrir le dimanche nos magasins intégrés, dont nos 40 hypermarchés, pour répondre à cette demande du client, et aussi défendre l'activité de ce format  C'est une discussion qui est en cours. Nous travaillons avec les partenaires sociaux sur l'ouverture du dimanche, tout en respectant l'équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Il faut que ce soit  à des conditions qui permettent à notre modèle intégré d’être compétitif ”

Quel est le calendrier prévu ? “Nous avons encore tenu une réunion la semaine dernière. La fumée n’est pas encore blanche et nous avançons par étapes. Tout est une question d’équilibre : il faut que ça se fasse de façon rentable et dans le respect de nos collaborateurs. Nous avons toujours privilégié la concertation sociale, et ça prend inévitablement un peu de temps. On voudrait que les choses aillent parfois plus vite mais nous espérons pouvoir annoncer dans les prochaines semaines une bonne nouvelle pour les clients et nos collaborateurs. L’ambition est d'ouvrir le dimanche à partir de janvier 2026.”

L’harmonisation des commissions paritaires

Reste encore un sujet brûlant, celui des commissions paritaires des magasins intégrés, moins favorables que celles des concurrents opérant en franchise. Sera-t-il possible de les faire évoluer avec les partenaires sociaux ? “Il faut avoir des commissions paritaires qui soient en ligne avec la réalité du marché du travail tel qu’il se présente aujourd'hui. Pour celles qui régissent les magasins intégrés, ce n’est plus le cas.  C’est une obsolescence qu'il faut oser corriger, si l’on veut améliorer notre compétitivité vis-à-vis des pays limitrophes, mais aussi dans notre propre marché intérieur face aux autres modèles. Les marges du secteur sont extrêmement faibles. Si l’on veut maintenir la rentabilité et le retour à la croissance rentable pour lesquelles nous nous sommes battus ces dernières années, il faut maîtriser encore mieux nos coûts de distribution, et trouver un équilibre face à une part de la concurrence qui obéit à des règles qui sont différentes des nôtres. A l'échelle du secteur, les discussions viennent d'être lancées la semaine dernière."

“La concurrence a évolué de façon telle que ceci crée un problème de compétitivité majeur dans le modèle intégré. C’est la raison pour laquelle un certain nombre d'acteurs ont pris la décision de passer d'un modèle intégré vers un modèle franchisé. Moi, j'espère toujours trouver avec les partenaires sociaux, une voie qui ne nous amène pas à soit aboutir à des scénarios douloureux, comme ceux de Cora ou Makro, soit devoir suivre le scénario de franchisation tel que chez Delhaize ou Mestdagh / Intermarché. Pour l’éviter, il faut trouver des solutions viables sur du long terme pour le modèle intégré. Je veux partir du principe que les discussions avec les partenaires sociaux sont suffisamment avancées pour que nous puissions aboutir à une solution.”

25 ans de changement

Carrefour Belgium fête ses 25 ans : comment décrire l'enseigne, en résumant ? “Comme une entreprise en mouvement. Chaque jour, nous accueillons 720 000 clients dans nos magasins. On est à l’écoute de leurs préoccupations, qu'elles soient financières, santé, écologiques ou autres. Chaque jour, nous avons aussi plusieurs milliers de fournisseurs qui nous livrent, et on entend leurs propres réalités, leurs ambitions et leurs envies de développement. Ces deux mondes-là, celui du monde agroalimentaire et celui des clients, nous cherchons à les relier en adaptant systématiquement notre offre. 20 % de notre offre est revue chaque année. Il y a quelques années, la rotation était à peu près de 5 à 10%. On a aussi énormément développé les services. Vous trouverez dans nos magasins un photomaton, des services d’impression photos et d’impressions papier. On a par exemple de plus en plus de laveries sur notre sur nos parkings, et bien entendu de bornes électriques. Le e-commerce est en pleine évolution et même le quick commerce, en collaborant avec avec Deliveroo, Uber Eats et Takeaway.com”

“Et ces 25 ans nous ont aussi vu évoluer profondément en interne, grâce à l’évolution des outils de travail tirant parti de la data.  On a le self-canning et le self checkout, absents en 2000, et qui s’attribuent aujourd’hui un passage sur deux à la caisse. Ici, au Service Center, la prise de décision est beaucoup plus rapide et beaucoup plus correcte, grâce à l'utilisation de la data, dans le strict respect des règles GDPR. Carrefour exploite en Belgique à la fois le plus grand magasin alimentaire du pays, à Mons, et le plus petit, avec le magasin autonome BuyBye installé entre autres à Zaventem. C’est représentatif de la variété des solutions qu'on est capables d'apporter à nos clients.”

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